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Cancer : les cellules malignes se développent davantage la nuit

Louise Ballongue Rédactrice web

 en collaboration avec Docteur Christophe de Jaeger (Longévité et gériatrie)

Sommaire

  1. La tumeur génère plus de cellules circulantes durant la nuit
  2. Propagation des métastases la nuit : les hormones en cause ?

Des chercheurs de l’Ecole polytechnique fédérale de Zurich (EPFZ) ont fait une découverte étonnante sur les cellules cancéreuses. D’après eux, les cellules tumorales circulantes produites par les tumeurs du cancer du sein se multiplient principalement la nuit. Une avancée étonnante, qui pourrait permettre d’adapter le traitement des malades.

La tumeur génère plus de cellules circulantes durant la nuit

Cette observation, rapportée par l’équipe du biotechnologue Nicola Aceto, a été diffusée mercredi 22 juin dans la revue médicale Nature.

« Lorsque la personne dort, la tumeur se réveille« , a résumé le professeur d’oncologie moléculaire.

Pour confirmer cette hypothèse, Nicola Aceto et son équipe ont observé les métastases de 30 patientes souffrant d’un cancer du sein, dont 9 atteintes d’une maladie métastatique. Pour ce faire, ils ont réalisé des prises de sang entre 4 heures et 10 heures du matin.

Les scientifiques se sont alors aperçus que 78,3 % des cellules tumorales circulantes (des cellules qui proviennent de la tumeur primaire et qui circulent dans le sang pour aller coloniser de nouveaux tissus) ont été détectées dans les échantillons nocturnes.

Les cellules qui quittaient la tumeur durant la phase de sommeil se divisaient également plus rapidement que celles qui quittaient la tumeur en journée.

Des résultats étonnants, confirmés peu après sur des souris : 87 à 99 % des cellules tumorales circulantes des rongeurs étaient détectées dans les tests de nuit.

« Cette étude ouvre des perspectives thérapeutiques intéressantes en terme d’adaptation horaire. Faire de la chimiothérapie à 04h00 du matin semble être une idée à étudier et à confirmer. Il serait également pertinent de savoir si cette multiplication nocturne des cellules cancéreuses s’applique à d’autres cancers », précise le Docteur Christophe de Jaeger, spécialiste du vieillissement.

Propagation des métastases la nuit : les hormones en cause ?

Comment expliquer une telle différence ? Une piste hormonale est avancée par les chercheurs.

« Nos recherches montrent que la fuite des cellules cancéreuses circulantes de la tumeur d’origine est contrôlée par des hormones telles que la mélatonine, qui déterminent nos rythmes de jour et de nuit« , souligne Zoi Diamantopoulou, auteur principal de l’étude et chercheur postdoctoral à l’ETH Zurich.

Néanmoins, « ce regain d’activité nocturne des cellules tumorales, dans le cancer du sein, est probablement dû à une conjonction de nombreux facteurs qui restent à éclaircir« , précise Nicola Aceto. 

En effet, le simple facteur « nuit » expliquerait difficilement cette modification de l’activité cellulaire, selon le Docteur Christophe de Jaeger.

« Ce qui m’interroge, c’est l’aspect hormonal. On sait que la mélatonine ralentit le développement des cellules tumorales. En vieillissant, le taux de mélatonine diminue et le nombre de cancers du sein, lui, augmente. Il se pourrait donc, dans cette étude, que le facteur « hormonal », la nuit, soit en réalité impacté par d’autres facteurs, comme le stress, les troubles du sommeil… Il a d’ailleurs été prouvé que la fréquence des cancers du sein chez les travailleuses de nuit était plus importante. C’est donc une interrogation qui mérite d’être posée« , remarque le Docteur Christophe de Jaeger.

Si cette découverte est confirmée, elle pourrait, à terme, permettre aux médecins d’optimiser les traitements anticancéreux des malades.

Mais avant, « Il faudra d’abord mener d’autres études afin de démêler les liens complexes entre rythmes circadiens des humains et cancers”, concluent les chercheurs.

Le Docteur Christophe de Jaeger est médecin et son travail est centré sur la physiologie de la sénescence depuis plus de 30 ans.

Il a développé en particulier la notion d’âge physiologique (différent de l’âge chronologique et

de l’âge ressenti) et sa prise en charge afin d’optimiser le capital santé de chacun et de lui conserver le plus longtemps possible ses capacités physiologiques. En d’autres termes, rester en bonne santé le plus longtemps possible.

De formation initiale gérontologue, il a rapidement complété son cursus à la faculté des sciences en biologie de la sénescence. Il enseigne à la faculté de médecine de Paris et de Lille et également à la faculté des sciences dans le Master de biologie du vieillissement. Il a écrit ou coécrit de nombreux livres dont une dizaine grand public, ainsi que de nombreux articles scientifiques.

Son dernier ouvrage grand public  »Médecine de la Longévité : Une révolution ! » est publié en octobre 2023 chez Guy Trédaniel éditeur.

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