Auteur : Docteur Christophe de Jaeger
Si certaines attitudes sont favorables à l’entretien du capital santé, d’autres le grignotent inexorablement. Pour s’en protéger efficacement, il faut d’abord les connaître.
Au cours des jours et semaines qui viennent, nous essayerons de vous informer au mieux sur ces différents accélérateurs du vieillissement.
Aujourd’hui, et pour démarrer cette série d’accélérateurs du vieillissement nous allons évoquer le Tabac !
Les dangers du tabac
Le tabac est une véritable usine à radicaux libres dont la toxicité n’est pas seulement bronchique ou pulmonaire, mais également vasculaire. C’est un ennemi à la fois de notre santé et de notre longévité, qu’il s’agisse de tabagisme actif ou passif. Le fumeur passif inhale environ le quart de la fumée produite : vingt cigarettes fumées équivalent donc à cinq cigarettes inhalées pour l’entourage.
La fumée de tabac est un extraordinaire cocktail de produits toxiques. Elle se compose de gaz et de particules très fines, qui pénètrent dans les alvéoles pulmonaires et, de là, atteignent l’ensemble de l’organisme par le biais de la circulation sanguine.
Les polluants contenus dans le tabac
On distinguera quatre types de substances particulièrement nocives dans la fumée de tabac et dont les effets toxiques sont synergiques.
1/ La nicotine :
C’est certainement le toxique du tabac le mieux connu. Cette substance très diffusable passe facilement et directement dans le sang. La nicotine est une substance pharmacologique très active. Elle agit sur le système nerveux et provoque nausées et sueurs froides dès la première cigarette. Elle agit également sur l’appareil circulatoire. Elle est responsable, entre autres, d’une accélération de la fréquence cardiaque de 15 à 20 pulsations par minute et d’une constriction des artères. La conjonction de ces deux phénomènes entraîne une augmentation de la pression artérielle qui est à l’origine d’une meilleure attention (c’est un effet recherché par les fumeurs), mais qui constitue surtout un facteur de risque vasculaire majeur pouvant favoriser les accidents vasculaires, cardiaques et cérébraux.
Au niveau bronchique, la nicotine entraîne des spasmes des petites bronches, souvent responsables d’une gêne respiratoire qui peut devenir dramatique chez l’asthmatique.
Enfin, la nicotine est l’agent chimique responsable de la dépendance tabagique et de la toxicomanie qui en découle. Le fumeur privé de tabac ressent une impression de manque et, par accoutumance, devient tributaire de doses de plus en plus importantes.
2 / L’oxyde de carbone :
Lui aussi est particulièrement diffusible et passe directement dans le sang. L’oxyde de carbone se combine dans le sang à l’hémoglobine pour former la carboxyhémoglobine. Cette liaison se substitue à celle de l’oxygène. Il en résulte une diminution de l’apport de l’oxygène à notre organisme et donc une souffrance tissulaire chronique qui favorise le vieillissement.
3 / Les irritants bronchiques :
Ceux-ci sont multiples. Il s’agit de microparticules qui irritent tout l’arbre respiratoire, diminuent les défenses immunitaires et altèrent la fonction vibratile de la muqueuse respiratoire (une seule cigarette suffit à bloquer les cils vibratiles pendant quatre jours). Il en résulte un encombrement des voies respiratoires et une diminution des défenses de l’appareil respiratoire contre l’infection et les autres polluants de l’atmosphère.
4 / Les carbures polycycliques :
Ce sont des substances cancérigènes bien connues, notamment les benzopyrènes qui constituent un redoutable facteur de cancérisation sur tout le trajet parcouru par la fumée de tabac (les lèvres, la langue, l’oropharynx, le larynx, les bronches, et sur les voies d’élimination, la vessie).
Les conséquences d’une intoxication tabagique sont donc multiples. Le tabagisme est, totalement ou en partie, responsable de très nombreuses pathologies, qu’elles soient vasculaires ou broncho-pulmonaires. Fumer de façon active ou passive est incompatible avec la notion de santé et de longévité. Vouloir optimiser son capital santé est incompatible avec le tabac quel que soit son mode d’inhalation. La mortalité liée au tabagisme croît régulièrement en fonction du nombre de cigarettes fumées, du degré d’inhalation de la fumée et de l’âge auquel on a commencé à fumer. On parle d »effet cumulatif ». La nocivité est multipliée par deux lorsqu’on commence à fumer avant 20 ans.
La nocivité du tabac :
1 / La nocivité respiratoire
L’appareil respiratoire est la cible privilégiée du tabac qui favorise, entre autres, la broncho-pneumonie chronique obstructive (BPCO), aussi appelée bronchite chronique. Celle-ci évolue en plusieurs stades. D’abord, l’inflammation des voies respiratoires supérieures avec des pharyngites, des laryngites, des bronchites. La seconde étape est marquée par l’apparition d’un essoufflement rapide à l’effort. Le troisième stade est la dépendance du fumeur (souvent devenu entre temps un ex-fumeur) à son appareillage (oxygénothérapie). Le décès survient souvent dans le cadre d’une insuffisance respiratoire chronique. Mais avant ce stade ultime, certains fumeurs seront morts de cancer, à moins qu’une alerte de santé les ait amenés à mettre fin à leur intoxication tabagique. Le tabac est impliqué dans le cancer des bronches, des voies aérodigestives supérieures (oropharynx, œsophage…), de la vessie et du col utérin.
2 / La nocivité circulatoire
L’impact broncho-pulmonaire n’est qu’un des aspects de la toxicité du tabac. On oublie trop souvent qu’il exerce aussi un effet néfaste sur la sphère cardio-vasculaire. La quasi-totalité des artérites des membres inférieurs (pouvant mener à l’amputation à travers l’obstruction artérielle) est due, tout ou partie, au tabac. Celui-ci est aussi impliqué dans la mauvaise vascularisation du myocarde qui conduit à l’infarctus. Nous ne sommes pas, ici, dans un effet cumulatif car une seule cigarette peut être extrêmement toxique à notre système cardio-vasculaire. Certains auteurs écrivent d’ailleurs que le tabac augmente le vieillissement des artères de dix ans. Lorsque l’on associe tabac et contraception orale, le risque d’infarctus est multiplié par 34.
Enfin, par l’intermédiaire du vieillissement vasculaire, le tabac favorise l’hypertension artérielle et les accidents vasculaires cérébraux. Le risque en est multiplié par 2,5 à 6 selon le nombre de cigarettes régulièrement fumées.
Les autres méfaits
A côté des grandes maladies, souvent mortelles, qui pourraient être largement évitées par l’absence d’intoxication, on trouve d’autres effets négatifs du tabac. D’abord, les troubles sexuels : le tabac augmente de 37% la fréquences des impuissances d’origine organique. En association avec d’autres causes (diabète, hypertension artérielle, hyperlipidémies), ce risque augmente encore, atteignant jusqu’à 96%. Les troubles de l’érection peuvent apparaître dès l’âge de 25 ans.
Au niveau digestif, le tabac favorise les gingivites inflammatoires (infection entraînant une haleine fétide caractéristique), les caries, la coloration jaune des dents, les plaques de leucoplasie de la bouche et du pharynx (favorisant les cancers) et les ulcères gastroduodénaux.
Au plan hématologique, on observe souvent chez les fumeurs une augmentation du nombre de globules rouges (du fait de la baisse de l’oxygénation sanguine et de l’augmentation de l’oxyde de carbone sanguin), et une diminution de certains anticorps, ce qui favorise l’émergence ou le développement d’infections bactériennes ou virales.
Moins connue est l’action du tabac sur les sécrétions thyroïdiennes. Pourtant, des études ont montré que le tabac diminue les concentrations plasmatiques d’hormones thyroïdiennes, entraînant une augmentation du cholestérol, ce qui constitue un facteur de risque supplémentaire pour la maladie artérielle.
Partie 2 sur ce lien.
Le Docteur Christophe de Jaeger est médecin et son travail est centré sur la physiologie de la sénescence depuis plus de 30 ans.
Il a développé en particulier la notion d’âge physiologique (différent de l’âge chronologique et
de l’âge ressenti) et sa prise en charge afin d’optimiser le capital santé de chacun et de lui conserver le plus longtemps possible ses capacités physiologiques. En d’autres termes, rester en bonne santé le plus longtemps possible.
De formation initiale gérontologue, il a rapidement complété son cursus à la faculté des sciences en biologie de la sénescence. Il enseigne à la faculté de médecine de Paris et de Lille et également à la faculté des sciences dans le Master de biologie du vieillissement. Il a écrit ou coécrit de nombreux livres dont une dizaine grand public, ainsi que de nombreux articles scientifiques.
Son dernier ouvrage grand public »Médecine de la Longévité : Une révolution ! » est publié en octobre 2023 chez Guy Trédaniel éditeur.