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Affaire Delon : quels sont les critères pour une curatelle ?

Article à lire sur Doctissimo

Sihem Boultif Journaliste santé

en collaboration avec Docteur Christophe de Jaeger (Longévité et gériatrie)

C’est un conflit qui déchire le clan Delon : l’état de santé d’Alain, le père d’Anthony, Anouchka et Alain-Fabien serait déclinant et ses facultés mentales altérées. Au point qu’une mise sous protection judiciaire de l’ancien acteur soit envisagée. Qu’est-ce que cela signifie ? Les explications du Dr Christophe de Jaeger, membre du comité d’experts de Doctissimo.

Sommaire

  1. En quoi consiste ce type de procédure ?
  2. Une décision prise en fonction de ces tests (mais pas seulement)
  3. Quels sont les trois types de protection existants ?

Alain Delon a-t-il besoin d’être placé sous protection judiciaire, en raison d’une défaillance de ses facultés mentales ? C’est ce que semble dire son fils aîné Anthony, qui a récemment diffusé via son compte Instagram un e-mail du procureur de Montargis, adressé à son avocat. On peut y lire qu’Alain Delon aurait subi une « expertise médicale » qui, selon ses conclusions, avancerait que l’ancien acteur présente « un discernement totalement aboli ». D’où le fait que soit envisagé « l’ouverture d’une procédure de mise sous protection judiciaire ».

En quoi consiste ce type de procédure ?

Interrogé, le Docteur Christophe de Jaeger, médecin physiologiste et membre du comité d’experts de Doctissimo, connaît particulièrement bien le sujet puisqu’il a été pendant de longues années médecin-expert nommé par des juges des contentieux de la protection, anciennement appelés juges de tutelle. « Ce type de mesures de protection est mise en place pour protéger des adultes ayant des difficultés de discernement, qui pourraient être abusés par des proches ou d’autres personnes » définit tout d’abord le médecin. « Des tests sont alors réalisés par un médecin afin d’établir le discernement et juger des fonctions cognitives de la personne en question ». Les tests réalisés sont simples : il s’agit de s’intéresser à l’orientation spatiale ou temporelle du sujet, à ses différents types de mémoire…

Une décision prise en fonction de ces tests (mais pas seulement)

Les résultats permettent au médecin de rendre un rapport au juge qui l’aura saisi. Dans ce document, le médecin détaille les résultats du sujet et conclut au besoin ou non d’une mise sous protection judiciaire. « Si la personne a de bons résultats aux tests, il n’y a pas lieu de la protéger, dans le cas contraire, une protection pourra être conseillée » ajoute le médecin. « Dans tous les cas de figure, la décision finale revient au juge des tutelles ».

Dans certains cas, la personne va bien sur le plan cognitif mais nécessitera tout de même une mesure de protection. « C’est le cas pour des personnes affaiblies par une pathologie comme une dépression, par exemple ou tout autre maladie. Elles sont alors sous influence et ont du mal à dire non aux personnes qui les entourent, en cas de sollicitations répétées ».

Quels sont les trois types de protection existants ?

La demande de protection est généralement à l’initiative de proches de la personne concernée, voire parfois d’un intervenant extérieur comme une assistante sociale, par exemple, quand une pathologie, un accident, un handicap ou le vieillissement rendent la personne incapable de défendre ses propres intérêts. Comme le stipule l’article 415 du Code civil, « les personnes majeures reçoivent la protection de leur personne et de leurs biens que leur état ou leur situation rend nécessaire ».

La demande se réalise auprès du Tribunal d’instance du lieu de domicile du sujet concerné. La personne peut alors être placée sous trois types de protection, selon son état. Il y a la tutelle, la curatelle ou la sauvegarde de justice.

  • La tutelle est la forme la plus contraignante, car elle signe une perte d’autonomie. « Toutes les personnes sous tutelle dépendent de leur tuteur, qui peuvent être un ou plusieurs, choisis parmi les proches en priorité, lorsque la famille ne se déchire pas » indique encore le Docteur Christophe de Jaeger. « Dans le cas où des conflits déchirent la famille, un mandataire sera désigné comme tuteur ». La mise sous tutelle peut durer entre cinq et vingt-cinq ans au maximum et le « tuteur désigné devra rendre des comptes au juge sur les dépenses engagées de manière annuelle ou de manière plus rapprochée, selon ce que le juge décide » précise encore le médecin ;
  • La curatelle est une forme moins contraignante de protection. « Elle signifie que la personne devra avoir recours au conseil du curateur, avant de prendre des décisions importantes » explique le médecin. Il existe plusieurs degrés de curatelle : simple, renforcée ou aménagée. Ces différents degrés limitent plus ou moins les actes que la personne à protéger peut exécuter ;
  • Enfin, la sauvegarde de justice est une sorte de mesure d’urgence. Elle peut être décidée rapidement par un juge, en attendant qu’une tutelle ou une curatelle soit mise en place. Il existe la sauvegarde médicale, engagée après la déclaration d’un médecin au parquet et la sauvegarde judiciaire, qui elle est demandée par un tiers (proche ou parent) ou par le procureur. Elle permet de limiter la possibilité à la personne de réaliser certains actes, réservés au seul mandataire. La durée d’une sauvegarde est d’un an maximum, que l’on peut renouveler une fois.

Sources

Le Docteur Christophe de Jaeger est médecin et son travail est centré sur la physiologie de la sénescence depuis plus de 30 ans.

Il a développé en particulier la notion d’âge physiologique (différent de l’âge chronologique et

de l’âge ressenti) et sa prise en charge afin d’optimiser le capital santé de chacun et de lui conserver le plus longtemps possible ses capacités physiologiques. En d’autres termes, rester en bonne santé le plus longtemps possible.

De formation initiale gérontologue, il a rapidement complété son cursus à la faculté des sciences en biologie de la sénescence. Il enseigne à la faculté de médecine de Paris et de Lille et également à la faculté des sciences dans le Master de biologie du vieillissement. Il a écrit ou coécrit de nombreux livres dont une dizaine grand public, ainsi que de nombreux articles scientifiques.

Son dernier ouvrage grand public  »Médecine de la Longévité : Une révolution ! » est publié en octobre 2023 chez Guy Trédaniel éditeur.