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Comment la vitamine D peut vous aider à réduire les risques de démence

Une étude prospective menée par le département de psychiatrie de l’université de Calgary au Canada montre l’intérêt d’une supplémentation en vitamine D sur l’incidence de survenue des démences et en particulier de la maladie d’Alzheimer.

Atlantico avec le Docteur Christophe de Jaeger

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Atlantico : Une étude publiée dans le National Library of Medicine suggère que l’exposition à la vitamine D est associée à une incidence de démence inférieure de 40 % par rapport à l’absence d’exposition. Que nous apprend cette étude, plus exactement ? 

Christophe De Jaeger : Cette étude prospective sur plus de 12.000 participants suivis pendant 10 ans a été menée par le département de psychiatrie de l’université de Calgary au Canada. Cette étude montre l’intérêt d’une supplémentation en vitamine D sur l’incidence de survenue des démences et en particulier de la maladie d’Alzheimer. Toute étude portant sur la prévention des démences est importante sachant qu’il y a au moins 50 millions de personnes dans le monde qui en souffrent et que cette incidence va tripler d’ici 2050. Il n’y a pas de traitement simple des démences, car il en existe environ 70 étiologies différentes. La maladie d’Alzheimer et les démences vasculaires sont très majoritaires. Toutes les mesures pouvant donc retarder ou empêcher l’apparition de ce type de pathologie méritent toute notre attention. 

Nous savions depuis longtemps que la vitamine D, qui n’est d’ailleurs pas une vitamine, mais une hormone stéroïdienne avait un impact sur les démences sans pour autant avoir de chiffres précis. Cette étude met en évidence une réduction de 40 % de l’incidence de la maladie sous traitement, ce qui est considérable. 

La vitamine D permet entre autres comme neuro protecteur de diminuer la phosphorylation de la protéine Tau et d’augmenter la clearance des agrégats de protéines béta amyloïdes qui est une caractéristique de la maladie d’Alzheimer. 

Cette étude est donc passionnante, car elle met en lumière (à nouveau) la vitamine D comme élément préventif de santé. Son coût est faible et sa surveillance facile par une prise de sang. 

Passé un certain âge, recommanderiez vous une supplémentation en vitamine D comme stratégie préventive pour la démence ?  

Il ne faut pas poser la question en termes de supplémentation automatique de la vitamine D à partir d’un certain âge, sous peine de simplification à outrance. La médecine moderne doit être personnalisée. En effet, si vous donnez de façon systématique de la vitamine D et que la personne n’est pas en déficit, alors vous obtiendrez des effets indésirables graves. L’âge n’est pas opposable à un traitement. Vous pouvez être en déficit de vitamine D à n’importe quel âge. En revanche, plus ancien sera le déficit, plus précoce et grave, risque d’être la maladie. 

La seule stratégie scientifique est de doser la vitamine D dans le sang et de poser un diagnostic de carence. Si tel est le cas, il faut naturellement proposer une supplémentation et évidemment en vérifier l’efficacité par une nouvelle analyse de sang deux mois plus tard. C’est la seule attitude scientifique à avoir. 

Cette conduite à tenir est d’autant plus importante que comme je le rappelais la vitamine D, n’est pas une vitamine, mais une hormone. Il convient d’être sémantiquement exact si l’on veut être efficace. 

Selon cette étude, les effets de la vitamine D sont significativement plus importants chez les femmes et pour les personnes dont la cognition est normale par rapport à une déficience cognitive légère. Comment expliquer ce phénomène ? 

La supplémentation en vitamine D ne fait que retarder la maladie démentielle, mais elle ne la traite pas. Il est donc normal que la supplémentation soit plus efficace chez les personnes n’ayant pas de symptômes, pas de facteurs génétiques (APO E4) et chez les femmes qui ont des taux plus faibles de vitamine D après la ménopause. 

Quel rôle les facteurs environnementaux ou de mode de vie pourraient-ils jouer en complément de la supplémentation pour maximiser les effets protecteurs de la vitamine D ? 

Il y a de multiples facteurs de risque qui favorisent le développement d’une démence (altération des fonctions cérébrales) : la sédentarité, le faible niveau d’éducation, le tabagisme, l’alcool, l’hypertension artérielle, la surcharge pondérale, le diabète, la pollution, la dépression, l’isolement social, la surdité, etc… Ces facteurs de risques sont multiples et doivent être dépistés par le médecin traitant ou le spécialiste le plus tôt possible et corrigés dans la mesure du possible. Il s’agit de mesure de protection et ils doivent nous accompagner tout au long de notre vie. Ce n’est pas juste à 60 ans ou plus qu’il faut s’en préoccuper ou encore quand on commence à avoir des troubles de mémoire. Le plus tôt possible, tout en sachant qu’il n’est jamais trop tard pour commencer.

Le Docteur Christophe de Jaeger est médecin et son travail est centré sur la physiologie de la sénescence depuis plus de 30 ans.

Il a développé en particulier la notion d’âge physiologique (différent de l’âge chronologique et

de l’âge ressenti) et sa prise en charge afin d’optimiser le capital santé de chacun et de lui conserver le plus longtemps possible ses capacités physiologiques. En d’autres termes, rester en bonne santé le plus longtemps possible.

De formation initiale gérontologue, il a rapidement complété son cursus à la faculté des sciences en biologie de la sénescence. Il enseigne à la faculté de médecine de Paris et de Lille et également à la faculté des sciences dans le Master de biologie du vieillissement. Il a écrit ou coécrit de nombreux livres dont une dizaine grand public, ainsi que de nombreux articles scientifiques.

Son dernier ouvrage grand public  »Médecine de la Longévité : Une révolution ! » est publié en octobre 2023 chez Guy Trédaniel éditeur.