Sihem Boultif Journaliste santé pour Doctissimo
Doctissimo a souhaité s’intéresser aux innovations de la gériatrie et de la médecine de la longévité. Le Docteur Christophe de Jaeger, physiologiste, spécialiste de la longévité et membre du comité d’experts de Doctissimo, nous éclaire de son point de vue sur la question.
Sommaire
- Quelles sont les avancées dans le domaine de la longévité qui ont marqué ces dernières années ?
- Quelles sont celles qui selon vous marqueront 2024 ?
- Qu’est-ce que cela peut changer dans le quotidien du grand public ?
- Est-ce qu’il y a selon vous une piste de recherche qui pourrait révolutionner votre domaine ?
Quelles sont les avancées dans le domaine de la longévité qui ont marqué ces dernières années ?
Docteur Christophe de Jaeger : Je rappelle tout d’abord qu’il n’y a pas eu de découverte majeure du côté des traitements : pas de médicament ou de molécule révolutionnaire qui aurait pu marquer ces dernières années la gériatrie. En revanche, une étude dirigée par le Dr Barzillai a débuté aux Etats-Unis pour étudier l’intérêt d’une vieille molécule antidiabétique, la metformine sur la qualité du vieillissement. Cette étude a été autorisée par la FDA (Food and drug administration) montrant l’intérêt des autorités américaines sur le processus de la sénescence. Cette étude est très intéressante car elle marque l’intérêt des autorités sanitaires pour la prévention primaire qui est au centre de mon travail.
D’autre part et cela me parait important de le souligner, il existe une prise en compte de plus en plus marquée chez nos contemporains, de leur capital santé. En gériatrie, on note l’importance de détecter les fragilités, ces défaillances qui finissent par amener à la perte d’autonomie et à l’institutionnalisation. En médecine de la longévité, je dirais qu’il y a de plus en plus d’articles qui s’intéressent à l’âge physiologique et qu’il y a une véritable émergence de personnes qui veulent se prendre en charge avant d’être malades et pour cela améliorer scientifiquement leur capital santé.
Quelles sont celles qui selon vous marqueront 2024 ?
Je pense que l’on sera dans une continuité de ce que je viens de mentionner. En médecine de la longévité, les personnes veulent éviter la maladie, avant même qu’elle ne se déclare et ce, à un âge de plus en plus jeune. Certains utilisent des applications réellement novatrices, comme MyLifeCare, qui permet d’établir un bilan objectif de son état de santé et propose un suivi adapté à chaque individu.
En médecine gériatrique, je pense que l’on va assister à une continuité dans le domaine de la recherche, en particulier dans le traitement des fragilités : la perte de poids, la difficulté à se lever, les troubles de la mémoire et de l’équilibre… autant d’éléments qui mènent progressivement vers la perte d’autonomie. Des bilans existent d’ores et déjà, pour dépister ces fragilités chez les seniors : on fait travailler ces personnes sur ces points de faiblesse, afin d’éloigner la perte d’autonomie. Cela devrait se développer de plus en plus, dans les années à venir.
Qu’est-ce que cela peut changer dans le quotidien du grand public ?
La dégradation que connaissent les individus à l’heure actuelle va lentement s’infléchir. Se prendre en charge nécessite des actions à réaliser au quotidien, mais également une prise de conscience et une volonté importante.
Est-ce qu’il y a selon vous une piste de recherche qui pourrait révolutionner votre domaine ?
La rééquilibration des fonctions physiologiques doit se généraliser, c’est un sujet que j’aborde dans mon dernier livre : Médecine de la longévité, une révolution aux Editions Tredaniel. Il s’agit simplement de connaissances que nous avons tous et que nous négligeons. On utilisera toutes ces informations pour ne pas tomber malade. Je pense que l’on connaîtra également une plus grande généralisation de la médecine régénérative, qui existe déjà, à travers par exemple des greffes cutanées, qui permettent de réparer la peau.
A l’avenir, via les cellules souches, il sera possible de réparer des organes un peu comme on répare une voiture. Mais nous ne serons pas immortels pour autant, je pense que plus le corps avance en âge et plus on risque de voir apparaître d’autres dysfonctionnements ou maladies. Et c’est également une limite psychologique que l’homme ne peut pas franchir : je crois foncièrement qu’il n’est pas conçu pour vivre très longtemps, par exemple au-delà de 300 ans. Mais là encore, qui vivra verra, c’est pourquoi il est important de gérer aujourd’hui de façon exemplaire notre capital afin de rester en bonne santé le plus longtemps possible et de pouvoir ainsi bénéficier de toutes les innovations d’aujourd’hui et de demain.
Sources
- Entretien avec le Docteur Christophe de Jaeger, le 23 janvier 2024
- Article Doctissimo
Le Docteur Christophe de Jaeger est médecin et son travail est centré sur la physiologie de la sénescence depuis plus de 30 ans.
Il a développé en particulier la notion d’âge physiologique (différent de l’âge chronologique et
de l’âge ressenti) et sa prise en charge afin d’optimiser le capital santé de chacun et de lui conserver le plus longtemps possible ses capacités physiologiques. En d’autres termes, rester en bonne santé le plus longtemps possible.
De formation initiale gérontologue, il a rapidement complété son cursus à la faculté des sciences en biologie de la sénescence. Il enseigne à la faculté de médecine de Paris et de Lille et également à la faculté des sciences dans le Master de biologie du vieillissement. Il a écrit ou coécrit de nombreux livres dont une dizaine grand public, ainsi que de nombreux articles scientifiques.
Son dernier ouvrage grand public »Médecine de la Longévité : Une révolution ! » est publié en octobre 2023 chez Guy Trédaniel éditeur.