Selon des chercheurs de l’Université McGill au Canada, le fait d’écouter de la musique mélancolique aurait des bienfaits insoupçonnés.
Atlantico avec le Docteur Christophe de Jaeger
Atlantico : Une étude de l’Université McGill à Montréal conduite par Darius Valevicius stipule qu’ écouter de la musique mélancolique peut réduire la douleur. Est- ce seulement psychologique ou aussi d’ordre physiologique ? Comment cela fonctionne ?
Christophe de Jaeger : Les médecins cherchent depuis longtemps des méthodes non médicamenteuses pour réduire la douleur. La musicothérapie est une des pistes explorées depuis de nombreuses années. La musique peut exacerber certains sentiments et parfois atténuer d’autres sentiments ou sensations comme la douleur. Cette étude dirigée par Monsieur Valevicius à Montréal va dans le même sens. L’efficacité de la musique sur la douleur a été mesurée par d’utilisation d’échelles sur 10. Une musique apaisante va diminuer la sensation de douleur de 1 point, ce qui ne semble pas majeur, mais correspond à l’utilisation d’un antalgique mineur comme l’ibuprofène.
Il y a deux types d’explications à la réduction de la douleur :
1/ L’émotion produite par la musique va avoir une capacité bloquante des stimulus nociceptifs à visées cérébrales ;
2/ La musique va permettre cette fois-ci au niveau du cerveau de diminuer l’importance de la représentation nociceptive.
Quelle a été la méthode utilisée par les chercheurs pour arriver à cette conclusion ?
Christophe de Jaeger : L’équipe de recherche a travaillé sur un panel de 63 personnes chez qui ont a appliquer sur l’avant bras une chaleur quantifiée correspondant environ à la température d’une tasse de café chaude. Puis, chacun a écouté des extraits de musique (préférée, au hasard…), voire le silence et à chaque fois, les expérimentateurs ont dû noter la douleur ressentie sur leur avant bras, mais également leurs ressentis émotionnels. Chaque morceau musical durait 7 minutes et il y avait 8 types d’extraits différents.
Les participants devaient noter l’intensité de la douleur ressentie ainsi que l’aspect « désagréable » de celle-ci.
L’intensité de la douleur et le caractère désagréable provoquées par des stimulations sont mesurées. Quel est l’impact des musiques sur ces paramètres, d’un point de vue qualitatif et quantitatif ?
Christophe de Jaeger : On observe dans cette étude une réduction 4 pour 100 de l’intensité de la douleur et de 9 pour cent de l’aspect désagréable de celle-ci. Plus la musique était bouleversante pour l’auditeur, plus elle réduisait l’intensité et la sensation désagréable de la douleur provoquée. Les auteurs ont également observé que pour lutter le plus efficacement possible contre la douleur, une simple musique relaxante ne suffit pas, il faut vraiment utiliser les morceaux de musiques qui sont les plus émotionnellement marquants pour la personne à influencer. La musique doit donc être choisie en fonction des préférences de chacun. Il n’y a pas de musique efficace pour tous.
Si l’étude est une confirmation de conclusions précédentes, le faible échantillon de personne et l’écoute partielle des musiques des cobayes, ne limite t-ils pas la portée de ces conclusions ?
Christophe de Jaeger : Il ne s’agit effectivement que d’une pré étude, mais elle correspond parfaitement à notre vécu de tout un chacun : la musique apaise. Et il serait surprenant que l’augmentation du nombre de l’échantillon change les résultats. Mais personne ne peut en préjuger.
Le point qui me paraît devoir être souligné est que ces musiques dites relaxantes qui l’ont entends, par exemple, dans certains cabinets dentaires, ne sont pas efficace au plan de la douleur. Si un effet antalgique devait être recherché, alors il faudrait interroger un par un les patients afin qu’ils révèlent leurs musiques émotionnellement efficaces. Celle-ci pourrait alors leur être proposée dans un casque personnel.
Les musiques d’ambiance ne peuvent tout au plus, que servir à couvrir les bruits techniques qui ont eux, une influence très négative, sur notre sensation de la douleur à venir.
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Le Docteur Christophe de Jaeger est médecin et son travail est centré sur la physiologie de la sénescence depuis plus de 30 ans.
Il a développé en particulier la notion d’âge physiologique (différent de l’âge chronologique et
de l’âge ressenti) et sa prise en charge afin d’optimiser le capital santé de chacun et de lui conserver le plus longtemps possible ses capacités physiologiques. En d’autres termes, rester en bonne santé le plus longtemps possible.
De formation initiale gérontologue, il a rapidement complété son cursus à la faculté des sciences en biologie de la sénescence. Il enseigne à la faculté de médecine de Paris et de Lille et également à la faculté des sciences dans le Master de biologie du vieillissement. Il a écrit ou coécrit de nombreux livres dont une dizaine grand public, ainsi que de nombreux articles scientifiques.
Son dernier ouvrage grand public »Médecine de la Longévité : Une révolution ! » est publié en octobre 2023 chez Guy Trédaniel éditeur.