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Qu’est-ce qui compte le plus pour la longévité : les gènes ou le mode de vie ?

Les gènes ne sont pas la seule explication pour une longévité accrue. Nos modes de vie vont également influencer notre espérance de vie.

Atlantico avec le Docteur Christophe de Jaeger

Atlantico : Certains centenaires ont des habitudes quotidiennes qui vont parfois à l’encontre des recommandations conventionnelles en matière de régime alimentaire, d’exercice physique, de consommation d’alcool et de tabac. Pourtant, des décennies de recherche montrent que le fait d’ignorer ces recommandations peut avoir des conséquences négatives sur la santé de la plupart des gens et abréger leur vie. Qu’est-ce qui compte le plus pour la longévité ? Les gènes ou le mode de vie ?

Christophe de Jaeger : De très nombreuses études montrent l’intérêt en termes de santé de respecter des recommandations de vie précises. L’étude sur une population d’infirmières (Nurses’ Health Study) de 1980 à 2014 sur 78 865 personnes et l’étude sur les professionnels de santé (Health Professionals Follow-up Study) de 1986 à 2014, portant sur 44 354 professionnels ont clairement mis en avant 5 facteurs de risque majeurs pour la santé et la longévité. Le fait de ne jamais avoir fumé vient en premier. Ensuite l’absence de surcharge pondérale (IMC entre 18,5 et 24,9 Kg par m2,  au moins 30 minutes d’exercice physique modéré par jour, une prise modérée d’alcool et une bonne nutrition. L’ensemble de ces comportements « santé » permet d’augmenter son espérance de vie en bonne santé.

Mais cette dernière étude va plus loin et montre qu’il existe grossièrement deux populations distinctes. L’une qui bénéficie de gènes particulièrement avantageux permettant de limiter l’incidence des maladies qui finissent par nous tuer, quelles que soient nos habitudes de vie. Et une population générale qui ne dispose pas de ces gènes protecteurs et pour qui le respect des recommandations santé est fondamental. Les auteurs ont observé comme nous le savons classiquement, qu’une alimentation équilibrée, une consommation modérée d’alcool, le fait de ne jamais avoir fumé, de ne pas être en surcharge pondérale et d’avoir une activité physique régulière sont associés avec un risque faible de mortalité prématurée. Le tabac par exemple est un facteur de risque indépendant de cancer, de diabète non insulinodépendant, de maladies cardio-vasculaires et de mortalité à travers le stress oxydant et l’inflammation chronique. L’arrêt du tabac permet une réduction de ces excès de risques. 

On peut donc se poser la question de ce qui est la plus important : les gènes ou bien nos comportements santé ? La réponse est les deux ! De bons gènes vous permettront de passer outre un certain nombre de comportements délétères, un certain temps. Et pas au-delà de 80 ans. En revanche, de « mauvais » gènes ou plutôt des gènes non protecteurs, compensés par de bonnes habitudes de vie, peuvent vous permettre d’atteindre les 80 ans en assez bonne forme.

 

Les recherches scientifiques et médicales suggèrent elles qu’il serait possible de contrôler notre capacité à vivre jusqu’à 80 ou même 90 ans en adoptant un mode de vie sain ? Quelles sont les bonnes pratiques à suivre pour tenter de prolonger sa durée de vie ? 

Nous connaissons depuis longtemps la plupart des comportements qui peuvent améliorer notre santé et donc notre longévité. Il n’y a rien de vraiment nouveau et chaque nouvelle étude ne fait que confirmer les informations que nous avions.

Cette étude portant sur 719.147 vétérans suivis de 2011 à 2019 et publiés en 2023 est riche d’enseignement, mais ne fait que confirmer ce que nous savons depuis longtemps. Elle a permis d’isoler 8 comportements particulièrement utiles en termes de longévité. Il en ressort que ne jamais avoir fumé, avoir une activité physique, une consommation modérée d’alcool, un sommeil réparateur, une bonne nutrition, une bonne gestion du stress, une vie sociale et ne pas avoir de comportement addictif (opioïdes) vont vous permettre d’aller le plus loin possible dans la longévité.

Il faut également bien rappeler qu’il faut suivre l’ensemble de ces conseils et non pas un ou deux en fonction de ses envies ou préférences.

Comment améliorer son espérance de vie ? Sommes-nous tous égaux ou la génétique a-t-elle de véritables atouts ?  

Comme je l’ai dit précédemment, nous connaissons depuis longtemps la plupart des comportements qui peuvent améliorer notre santé et donc notre longévité. La seule vraie question est « pourquoi ne changeons nous pas notre mode de vie ? ». Nous savons que le tabac est délétère et pourtant de trop nombreuses personnes continuent à fumer. Pourquoi ? J’avoue qu’en presque 40 ans d’exercice médical entièrement dédié à la santé des gens, je n’arrive toujours pas à comprendre la logique des personnes qui continuent à s’intoxiquer. La seule ébauche de réponse est dans le poids d’une nouvelle contrainte qui vient s’ajouter aux autres de la vie courante (travail, famille….). C’est la contrainte de plus, la contrainte de trop. Alors, toxique ? Oui, mais cela me permet de vivre ou plutôt de survivre. Notre société devrait complètement se transformer pour permettre à chacun de mieux comprendre les enjeux de santé et bâtir les stratégies nécessaires à s’en débarrasser. Vaste programme.

La génétique permet de venir en aide à certaines personnes dont les comportements sont sanitairement inappropriés. C’est le cas des personnes qui ne respectent que peu ou pas du tout les grands principes de santé et qui pourtant à 80 ans restent loin des maladies chroniques. En effet, comment expliquer différemment que deux groupes de personnes arrivent au même âge, alors que le premier groupe respecte les consignes et que le second ne les respecte pas ?

On peut donc affirmer que les gènes seront protecteurs et apporteront de véritables atouts à leurs possesseurs.

Les gènes sont-ils la clé de compréhension pour la longévité des centenaires ?  Certains gènes peuvent ils influer sur la probabilité de développer certaines maladies ?  

Les gènes ne sont pas la seule explication pour une longévité accrue. Nos modes de vie vont également influencer notre espérance de vie. Avoir de bons gènes peut nous préserver en partie et pour un temps limité, de comportements délétères. L’absence de ces bons gènes et des comportements délétères sera évidemment catastrophique. A l’opposé, de bons gènes et de bonnes habitudes de vie, semblent vous prédestiner à être centenaires.

Mais, rien de nous oblige à attendre 100 ans pour savoir où nous en sommes et prendre les bonnes décisions en fonction de ce que nous sommes. La détermination de notre âge physiologique est un marqueur précieux de notre Capital santé et nous informe dès 50 ans de nos forces et faiblesses. Faiblesses que nous devrons corriger coûte que coûte. C’est ce qui va faire la différence entre des « centenaires passifs », ceux qui n’ont rien fait pour l’être et les « centenaires actifs », ceux qui ont décidé de faire mentir les gènes et les probabilités pour rester en vie en bonne santé le plus longtemps possible. J’invite ceux qui veulent rejoindre cette seconde catégorie de lire mon dernier livre « Médecine de la longévité : une révolution » aux Editions Trédaniel.

Article à retrouver ici

Le Docteur Christophe de Jaeger est médecin et son travail est centré sur la physiologie de la sénescence depuis plus de 30 ans.

Il a développé en particulier la notion d’âge physiologique (différent de l’âge chronologique et

de l’âge ressenti) et sa prise en charge afin d’optimiser le capital santé de chacun et de lui conserver le plus longtemps possible ses capacités physiologiques. En d’autres termes, rester en bonne santé le plus longtemps possible.

De formation initiale gérontologue, il a rapidement complété son cursus à la faculté des sciences en biologie de la sénescence. Il enseigne à la faculté de médecine de Paris et de Lille et également à la faculté des sciences dans le Master de biologie du vieillissement. Il a écrit ou coécrit de nombreux livres dont une dizaine grand public, ainsi que de nombreux articles scientifiques.

Son dernier ouvrage grand public  »Médecine de la Longévité : Une révolution ! » est publié en octobre 2023 chez Guy Trédaniel éditeur.