Auteur : Docteur Christophe de Jaeger
Si certaines attitudes sont favorables à l’entretien du capital santé, d’autres le grignotent inexorablement. Pour s’en protéger efficacement, il faut d’abord les connaître.
Aujourd’hui, et dans cette série des accélérateurs du vieillissement nous allons parler du soleil !
Attention au coup de soleil !
Sans la lumière et la chaleur du soleil, aucune vie ne serait possible sur Terre. Pourtant, notre exposition quasi permanente à ses rayons, même dans nos grandes villes polluées, pose un véritable problème de santé, à la fois personnel et public. Il constitue notre principale source d’exposition aux rayons ultraviolets (UV), dont on connaît bien les effets néfastes sur la peau. L’exposition au soleil est associée à divers cancers de la peau, au vieillissement cutané prématuré, à la cataracte (opacification du cristallin) et autres affections oculaires… Il se pourrait même qu’elle entame la résistance de l’organisme aux maladies infectieuse.
Selon les estimations du Programme des Nations Unis pour l’environnement, on enregistre chaque année dans le monde plus de deux millions de cas nouveaux de cancers cutanés divers et plus de 200 000 cas de mélanomes malins. Ces chiffres sont en perpétuelle augmentation à cause de la diminution de la couche d’ozone. On estime qu »il existe sur notre planète environ 15 millions de personnes aveugles du fait de la cataracte. L’Organisation Mondiale de la Santé estime que 20% des cas de cataracte (environ 3 millions) pourraient être dus à l’exposition aux U.V. Aux États-Unis, 3,4 milliards de dollars sont dépensés chaque année pour financer les quelques 1,2 million d’interventions chirurgicales liées à la cataracte. La prévention ou le retardement de l’affection permettraient de réduite substantiellement les dépense de santé.
UV, ozone : les grands responsables
Le soleil émet plusieurs types de rayons. Ceux qui constituent la lumière visible donnent, une fois décomposés dans un prisme, les sept couleurs de l’arc-en-ciel. Mais de part et d’autre de ce spectre, il existe d’autres rayons invisibles pour nos yeux : d’un côté les infrarouges (en deçà du rouge), responsables de la chaleur ; de l’autre les ultraviolets (au-delà du violet), responsables de l’effet néfaste du soleil.
Le rayonnement ultraviolet peut lui-même se décomposer en trois types de rayons : les UV-A, les UV-B et les UV-C. Ces derniers, de très faible longueur d’onde, sont absorbés par l’atmosphère et n’atteignent pas la surface de la Terre. Les UV-B sont biologiquement néfastes, mais heureusement presque entièrement absorbés par l’atmosphère. En revanche, les UV-A, qui ont la plus grande longueur d’onde, parviennent à la surface de la Terre avec une forte intensité et sont susceptibles de pénétrer profondément dans les tissus.
L’effet délétère des rayons ultraviolets est amplifié par l’usure de la couche d’ozone. C’est une forme d’oxygène moléculaire, surtout présente dans les couches supérieures de l’atmosphère, qui absorbe une grande partie des UV. Ce gaz se forme naturellement à partir de l’oxygène, sous l’effet des UV-C. Malheureusement, il est dégradé par de nombreuses substances chimiques utilisées par les hommes, notamment le chlore présent dans les chlorofluorocarbures (CFC).
La destruction progressive de la couche d’ozone stratosphérique se solde, pour l’homme et pour l’environnement, par une exposition plus intense aux UV, notamment aux UV-B dont nous connaissons la toxicité. Des travaux suggèrent que le rythme de destruction de la couche protectrice d’ozone stratosphérique est tel que celle-ci présente des lacunes (les fameux »trous ») au-dessus de l’Antarctique. Les habitants de la Nouvelle-Zélande et de l’Australie méridionale reçoivent d’ores et déjà des quantités accrus d’UV. On signale des lacunes similaires au-dessus de certaines régions d’Europe et d’Amérique du Nord. Personne n’a encore évalué pleinement les effets, sur l’homme et sur l’environnement, d’une destruction prolongée de l’ozone et de l’augmentation de l’exposition aux UV qui en résulte.
L’intensité des UV solaires, et en particulier des UV-B, dépend de la hauteur du soleil dans le ciel selon la saison, l’heure du jour et la latitude. Cette exposition est maximale pendant les mois d’été de 10-11 heures à 14-15 heures (en fonction du type d’horaire légal). En été, vers midi, le rayonnement UV-B est deux à trois fois plus intense en zone équatoriale qu’en Europe du Nord. L’intensité du rayonnement UV sur la Terre dépend également de l’angle sous lequel ces rayons traversent l’atmosphère. Sous les tropiques ou à proximité de l’équateur, le rayonnement UV est plus intense, car la distance qu’il lui faut parcourir pour rejoindre la surface du globe est plus faible.
L’intensité des UV croît aussi en fonction de l’altitude car l’atmosphère, qui les absorbe en partie, est de moins n moins épaisse à mesure qu’on s’élève ? A haute altitude, les skieurs peuvent donc recevoir un rayonnement UV intense.
Le rayonnement UV d’origine solaire nous parvient à la fois directement et indirectement, par sa diffusion. Si le ciel nous apparaît bleu, c’est que la longueur d’onde lumineuse correspondant à cette couleur est la plus largement diffusée par l’atmosphère. De la même manière, les UV sont fortement diffusés, ce qui accroît notre exposition. L’intensité du rayonnement UV est maximale quand le ciel est sans nuage. Les nuages épais constituent une protection efficace, mais ce n’est pas le cas des nuages peu denses ou de la brume, qui augmente même leur diffusion. C’est pourquoi les temps légèrement couverts ou brumeux sont trompeurs : la chaleur étant moins intense, on a tendance à faire moins attention alors que les UV demeurent très intenses.
La réflectivité du sol influe sur l’exposition aux UV. La plupart des surfaces naturelles (herbe, roches, eau…) renvoient moins de 10 % des UV, mais la neige fraîche les reflète en très grande partie (jusqu’à 80 %), ce qui accroît le risque en montagne. Au printemps, en altitude, par beau temps, du fait de sa réflexion sur la neige, le rayonnement UV peut être comparable à ce qu’il est en plein été, malgré l’absence de chaleur. Le sable possède, lui aussi, un fort pouvoir réfléchissant (jusqu’à 25 %). A la plage, en été, il contribue à la puissance de l’exposition.
Enfin, l’œil est particulièrement sensible aux UV réfléchis. Ainsi, sur la neige ou le sable, les personnes qui reçoivent un rayonnement UV excessif risquent des maladies oculaires graves. L’exposition aux UV peut être due à des sources artificielles, utilisées par exemple dans l’industrie (soudure à l’arc), pour certains traitements médicaux ou pour des soins de beauté (bronzage artificiel). Les installations de bronzage artificiel émettent des UV-A et une petite quantité d’UV-B. Leurs utilisateurs devraient obligatoirement porter des lunettes protectrices.
Il existe enfin de nombreuses sources d’UV dans nos habitations ou sur nos lieux de travail. Les lampes à fluorescence émettent de faibles quantités d’UV, mais les lampes à halogène ou à filament de tungstène en émettent suffisamment pour occasionner, à courte distance, des lésions importantes si elles ne possèdent pas de dispositif de protection adéquat.
La peau : un organe essentiel
Avec plus de 1,5 m2 chez l’homme adulte, la peau est le plus étendu de nos organes. Elle a deux fonctions principales : les échanges et la protection. Notre peau constitue la première barrière protectrice contre les produits chimiques, le rayonnement, les infections… Dans le même temps, elle limite l’évaporation des fluides corporels.
On distingue dans la peau trois couches : l’épiderme, qui comprend une couche supérieure de cellules mortes appelée »couche cornée » ; le derme ; le tissu sous-cutané. L’épiderme se renouvelle constamment. Il est séparé du derme par une couche formée de deux sortes de cellules qui, elles aussi, se renouvellent sans cesse : les kératinocytes et les mélanine, responsable de la couleur que prend notre épiderme lorsque nous nous exposons au soleil. Ce sont les cellules spécialisées du bronzage.
Juste au-dessous, les cellules de Langerhans jouent un rôle important dans les défenses immunitaires car elles sont capables de détecter des substances étrangères ou anormales. Elles sont très sensibles à l’action UV. Enfin, le derme, qui contient des fibres de collagène, donne à la peau son élasticité et sa résistance. Lorsqu’elles sont soumises à un rayonnement UV intense, les fibres de collagène se rompent, ce qui entraîne une perte d’élasticité de la peau et un vieillissement précoce.
On peut distinguer trois types de peau par rapport à leur sensibilité aux UV :
- Les peaux peu pigmentées (très blanches) : l’exposition aux UV se solde par des coups de soleil fréquents, et la production d’un hâle protecteur est longue et faible. Ce type de peau est répandu dans les populations du groupe celtique, qui ont des cheveux blonds ou roux, des yeux clairs et des taches de rousseur. Les personnes ayant ce type de peau doivent prendre des précautions particulières, car leur peau subit facilement des dommages à court et à long termes.
- Les peaux moyennement pigmentées : l’exposition aux UV occasionne moins de coup de soleil, et le sujet bronze plus facilement. C’est le type de peau des populations d’Asie et du Bassin méditerranéen, qui ont souvent les cheveux et les yeux sombres. Bien que leur peau ait la faculté de bronzer, les membres de ce groupe ne sont pas à l’abri des lésions cutanées dues aux UV. Ils doivent donc, eux aussi, prendre des précautions.
- Les peaux fortement pigmentées : parmi les groupes humains dont la peau est fortement pigmentée (Aborigènes d’Australie, Africains, Afro-Américains), les coups de soleil sont rares, la protection naturelle est très bonne et les risques de cancer cutané, peu importants. Toutefois, les risques de lésions oculaires par les UV sont les mêmes que pour les deux premières catégories, et on ne peut exclure qu’une exposition excessive aux UV diminue la réponse immunitaire de l’organisme.
Il faut ajouter à cela que certaines peaux sont plus sensibles que d’autres aux rayons solaires. On parle alors de »photosensibilité ». Celle-ci peut être due soit à la nature de la peau, soit à une maladie exacerbée par la lumière (porphyrie, lupus…), soit à des produits (médicaments, aliments, produits de beauté, parfums…). Il faut la prendre en compte lorsqu’on s’expose au soleil.
Partie 2 sur ce lien.
Le Docteur Christophe de Jaeger est médecin et son travail est centré sur la physiologie de la sénescence depuis plus de 30 ans.
Il a développé en particulier la notion d’âge physiologique (différent de l’âge chronologique et
de l’âge ressenti) et sa prise en charge afin d’optimiser le capital santé de chacun et de lui conserver le plus longtemps possible ses capacités physiologiques. En d’autres termes, rester en bonne santé le plus longtemps possible.
De formation initiale gérontologue, il a rapidement complété son cursus à la faculté des sciences en biologie de la sénescence. Il enseigne à la faculté de médecine de Paris et de Lille et également à la faculté des sciences dans le Master de biologie du vieillissement. Il a écrit ou coécrit de nombreux livres dont une dizaine grand public, ainsi que de nombreux articles scientifiques.
Son dernier ouvrage grand public »Médecine de la Longévité : Une révolution ! » est publié en octobre 2023 chez Guy Trédaniel éditeur.